Nul autre personnage de tous les domaines artistiques n’a une image aussi universelle que Beethoven. On respecte certes Michelangelo et Shakespeare, on admire Leonardo da Vinci et Van Gogh, mais Beethoven est plus fort que tous ; image positive d’un génie furieux, exigeant avec lui-même, créant chef-d’oeuvre après chef-d’oeuvre, les uns aussi profondément expressifs que les autres. Sa musique a parcouru le monde entier ; cette popularité et cette universalité s’est faite de son présent, et demeure encore aujourd’hui.
Une popularité énorme, certes, mais une existence et une vie peu passionnantes ; Beethoven ne s’est jamais marié, et il a très peu voyagé, menant une vie souvent solitaire et excentrique. Il y a pourtant un évènement qui marqua de manière écrasante et bouleversante la vie du compositeur : c’est à l’âge de 30 ans que les premiers signes de surdité apparaissent. L’impact de cette fatalité pourrait se comparer à celle d’un artisan emputé des deux mains. Même s’il était possible de composer avec « l’oreille interne », nul autre musicien aurait pu être à la fois compositeur, chef-d’orchestre et directeur musical avec un tel handicap. Mais de par sa volonté, l’affirmation de son génie et son caractère intransigeant, Beethoven a pu se rebeller contre contre son malheureux destin et se revendiquer comme compositeur tout à fait « normal » ; il faut dire que le soutien des aristocrates et des mécènes viennois lui a été précieux.
Aussi, au temps de Beethoven, l’art commençait-il juste à s’émanciper et à se libérer davantage des contraintes forcées, au profit d’une authentique inspiration artistique et créative, encouragée par une idéologie romantique qui amène bien plus de personnalité et d’innovation aux créations musicales. Les oeuvres musicales devenaient des créations plus personnelles, plus singulières, car elles provenaient du plus profond du coeur et de l’esprit des artistes : telles sont les prémisses de l’idéologie romantique telles que Beethoven a su les exploiter à travers son art. Beethoven se situe donc chronologiquement et symboliquement au début de ce courant romantique. Certains voient pourtant en Beethoven le dernier de l’école viennoise avec Franz Schubert, parce que sa musique s’inscrit partiellement dans les formes classiques, mais il serait plus exact de considérer Beethoven comme la charnière de ces deux époques qui se révéleront assez différentes avec le temps.