Festival Radio Classique à l’Olympia : de la musique sur papier glacé
A entendre Olivier Bellamy qui anime la soirée, tout est « merveilleux », « divin », « grandiose »… voire « absolument merveilleux » et « merveilleusement divin ». Lorsqu’il accueille le « très grand » comédien Didier Sandre (qualificatif mérité ceci dit), l’ambiance tourne au plateau Michel-Drucker-le-dimanche-après-midi-sur-la-deux : gentiment convenu et délicieusement ennuyeux.
Il y a pourtant de quoi faire des étincelles.L’Orchestre de Paris occupe la scène de l’Olympia, sous la baguette alternée de ses deux chefs assistants, Julien Masmondet et Andris Poga. Le premier ne manque pas d’ardeur et d’entrain, le deuxième d’aplomb… ce qui n’empêche pas l’orchestre de prendre parfois le dessus, mené par l’archet toujours sûr de son premier violon solo, Roland Daugareil. Les musiciens s’amusent, semblent prendre plaisir à rejouer certains morceaux encore tout chauds sur les pupitres (la première suite de Peer Gyntsignée Edvard Grieg, donnée fin mai dans une impressionnante version longue avec chœur et récitant salle Pleyel). On laisse la machine rouler toute seule (1er mouvement de la Symphonie n°5 de Beethoven), on rigole et on s’envoie des clins d’œil (suite Mascarade d’Aram Khatchatourian), on s’emmêle un peu les pinceaux parfois (Concerto pour piano n°1 de Prokofiev)…
Les solistes invités défilent, plutôt ravis semble-t-il, et se plient de plus ou moins bonne grâce aux questions et remarques d’Olivier Bellamy : la violoncelliste Anne Gastinel a droit à un « bravo » ambigu sur sa tenue vestimentaire (un ensemble pantalon large, t-shirt, long gilet noir… pas de quoi s’extasier en somme) , la pianiste Khatia Buniatishvili se voit qualifiée de « panthère », mais Alexandre Gattet, soliste de l’Orchestre de Paris venu interpréter un Concerto pour hautbois de Bellini, repart sans souffler mot au micro. Le charme féminin, me direz-vous…
Monsieur Bellamy a beau se dire transporté, c’est néanmoins avec peine que l’on peut en dire autant. Les musiciens, on l’a dit, ne ménagent pas leur peine. Les plaisanteries et anecdotes du présentateur star de Radio Classique font parfois même mouche. Alors qui est la fautive ? Curieusement, l’Olympia ! Certes, c’est une belle salle, vibrante des noms mythiques qui en ont foulé les planches (Edith Piaf, Jacques Brel, Barbara, entre autres). Mais son acoustique n’a rien à faire avec la texture sonore si riche et complexe d’un orchestre. Sonorisé, amplifié et rééquilibré par des enceintes, l’Orchestre de Paris sonne plat, sans relief, sans grain ni profondeur. Rien qui ne vienne prendre aux tripes, réchauffer ce printemps déguisé en mois de novembre.
Porter la musique classique là où on ne l’entend pas d’habitude, dans un esprit moins guindé, plus détendu : c’est l’idée du festival mené par Radio classique. Dans des tours pas chics pour deux sous, auprès d’enfants qui n’ont jamais vu un violon de près, dans un hôpital ou une prison, on applaudirait de bon cœur. Ce type de projets, l’antenne peut même se féliciter d’en soutenir. Mais passer de la salle Pleyel au certes plus branché, mais tout aussi élitiste, 28 boulevard des Capucines, pour perdre en qualité sonore et délester d’autant votre porte-monnaie (écouter le même orchestre ne vous coûte qu’entre dix et soixante euros à Pleyel, contre trente ou quatre-vingt cinq euros à l’Olympia, soit dit en passant…) : « what’s the point ? », comme on dirait outre-manche.
Aux courageux prêts à braver malgré tout la pluie de ce mois de juin déprimant, restent un beau programme et des solistes brillants.